Nous en avions rêvé de cette arrivée dans la mythique baie des vierges sur l’île de Fatu Hiva. Mais la pandémie est passée par là et c'est vers Hiva Oa que nous nous avons dû nous diriger pour cause de confinement. En fait de confinement ce fût assez simple : arrivés un samedi nous reçûmes des fruits de la part de bateaux déjà présents, la gendarmerie s'excusa presque que du fait du week-end ils ne pourraient pas nous donner les laissez-passer avant lundi ; mais nous avions l'autorisation de dîner ensemble avec l'équipage du monocoque Heiva qui a navigué de conserve avec nous depuis Panama. Ce fût un beau dîner de fête qui clôturait nos 26 jours de mer.

Les mesures de confinement furent progressivement levées dans les 2 semaines suivantes ce qui nous permit d'abord de louer une voiture et de faire le tour des sites à visiter : principalement les plus beaux et grands tikis de Polynésie (statues des anciens dieux) et les maraes (lieux de culte ma'ori). Partout il y a des arbres fruitiers, dans les jardins, les parcs, les sentiers de montagne. Il suffit de demander la permission de ramasser ceux qui sont à terre et on se retrouve illico avec un plein cageot et d'autres fruits en plus parfois inconnus et dont le nom – en marquisien évidemment – ne nous avance guère.

Nous n'avons bien sûr pas oublié de passer au cimetière d'Atuona voir les tombes de Brel et de Gauguin. Celle de Brel est toute simple mais garnie de plein de galets où les gens ont laissé des pensées, des mots doux, leur trace... C'est tout de même émouvant quarante ans plus tard de voir le souvenir qui est toujours vivace. Celle de Gauguin est plus triste, plus sombre, bien qu'agrémentée d'une statue. Mais plus d'un siècle s'est écoulé.

13 Mai, nous avons le droit de naviguer dans l'archipel des Marquises, nous allons donc sur la côte nord dans la baie de Hanamenu. L'un de nos équipiers y est déjà allé à pieds par un sentier de randonnée (6 heures de marche), et nous rencontrerons là une des familles vivant dans la vallée. Aucune route, il faut soit marcher les 6 heures du sentier, soit aller en bateau dans la baie suivante et prendre une voiture ; ils vivent heureux de la chasse et de la pêche, ont assez de pamplemousses de bananes, de cocos et de manioc pour vivre et nourrir les voiliers de passage ce qui leur assure un complément de revenus. Pas de recherche de profit maximal, de rendement, de cours de la bourse, pas de stress non plus.

Nous avons pu déguster un repas préparé au four marquisien traditionnel, des pierres chauffées dans un trou, recouvertes de feuilles de bananier, puis les viandes, les légumes ou bananes, et à nouveau des feuilles et des sacs recouverts de terre. Laisser mijoter 6 heures, c'est un délice. Ce serait le Paradis si sur la plage et un peu partout ne sévissaient les terribles nonos (appelés yenyen en Caraibe, chitras en Colombie et Panama . Ces minuscules moucherons piquent sans qu'on les sente et les boutons surgissent quelques heures plus tard.


TAHUATA : après un détour par la baie de Hanaiapa et une très belle balade à la baie de Hanatekuua, nous mettons le cap sur l’île voisine de Tahuata. Nous sommes restés quelques jours au village principal de Vaitahu le temps de déguster un pantagruélique déjeuner marquisien typique : chèvre et cochon grillés, poisson cru, poulpe, accompagnés de fruits de l'arbre à pain (mei en marquisien, uru en tahitien), de boules de manioc au lait de coco, de bananes etc. Puis nous avons visité Hapatoni, le village des artistes : sur 200 habitants, plus de la moitié sont sculpteurs ou danseurs de groupes folkloriques. Ils sculptent le bois local, l'os, la nacre, les dents de sanglier, les rostres d'espadon avec plus ou moins de finesse mais toujours dans l'esprit des motifs traditionnels, c'est vraiment beau.

Nous sommes ensuite passé par les baies du nord qui ont de belles plages de sable blond où nagent les raies manta. Après un retour à Atuona pour les courses et un énième dépannage du frigo (celui-ci ses jours sont comptés, il va finir à la casse), il est temps de mettre le cap au nord vers

UA POU. Arrivée spectaculaire au milieu des grains qui nous ont accompagnés pendant une bonne partie de la traversée, les pitons de Ua Pou percent les nuages dans un décor digne du Seigneur des anneaux. C'est très impressionnant. Le lendemain avec un peu plus de soleil, ce sera encore plus beau, la base des montagnes est très verte et la végétation se prolonge loin en altitude. On voit bien qu'il fait chaud et qu'il pleut pas mal ! Nous faisons de belles balades à la cascade et allons voir le célèbre Manfred, le chocolatier local. Cet allemand installé depuis plus de quinze ans aux Marquises s'est mis en tête de faire pousser des cacaoyers et de produire lui-même son chocolat. Et c'est réussi : il fait un très bon chocolat, bio sans en avoir ni rechercher vraiment le label et c'est un personnage haut en couleur qui vaut le déplacement.


Enfin NUKU HIVA : dernière île de notre tour des Marquises, c'est là qu'est la « capitale » Taiohae. En fait de capitale c'est un gros bourg avec ce qu'il faut de supérettes, un marché, un hôpital, des pêcheurs, des églises et sûrement des pécheurs sinon ils n'auraient pas besoin d'autant d'églises !

Durant presque tout notre passage sur la côte sud il a fait un temps très pluvieux. Les nuages s'accrochent sur les sommets et descendent en pluie dans le bas de la vallée très régulièrement.

Dans la baie d'Hakatea nous avons rencontré une autre famille un peu comme à Hanamenu. Même isolement, même vie basée sur la chasse la pêche, les productions locales, les repas avec les voileux, mais une réflexion plus poussée vers la clientèle des bateaux et les produits qui peuvent les intéresser : les européens aiment les courgettes et les aubergines, ils en font pousser même si ce ne sont pas leurs légumes traditionnels. Mais toujours avec cette gentillesse polynésienne que l'on retrouve partout.

Nous nous sommes ensuite arrêtés à la baie du contrôleur. La baie centrale mène au village de Taipivai. Il y a un curieux site de marae avec plusieurs tikis originaux mais il faut arriver à le trouver. Le sentier n'a pas été entretenu depuis des mois et la végétation recouvre le départ du sentier entre des maisons à qui il faut demander le chemin. Cette vallée est le plus souvent dans les nuages et la pluie. Elle nous a laissé une impression plombée de gris.

Sur la côte nord c'est Anaho qui nous semblait le meilleur mouillage et ce fut un bon choix. Une baie très belle surplombée par des montagnes vertigineuses, de belles plages, du corail abondant plein de poissons et une super ambiance parmi la flottille de bateaux et avec la population locale. Il semble que c'est ici que le confinement a été le plus cool de toutes les Marquises. Les gens pouvaient se baigner, pêcher, aller à terre, faire des barbecues sur la plage et l'approvisionnement venait du village voisin de Atiheu. Nos équipiers Ghilian et Tristan sont allés pêcher et chasser avec les marquisiens, ils ont rapporté des langoustes et des cigales de mer, et plein de poissons. Mais notre guide de voyage dit bien que ces espèces (perroquet, mérou) sont parmi les plus sujettes à la ciguatera, une contamination par une algue toxique qui peut avoir de graves effets sur l'homme. Alors même si les locaux disent qu'il n'y a aucun problème, ils disent aussi qu'il ont parfois attrapé la ciguatera et ils connaissent les remèdes locaux et les plantes qui en soignent les effets symptomatiques. Nous nous abstenons donc d'en consommer malgré leur insistance. C'est avec les nonos la seconde plaie de ces archipels enchanteurs.

Ce fut notre dernier mouillage découvert aux Marquises en 2020 car nous apprenions que notre ami Pierre avec qui nous avions navigué de conserve dans la transpacifique venait de perdre son bateau drossé par un coup de vent sur les coraux de Fakarava aux Tuamotus. Comme c'était notre prochaine destination prévue sur la route vers Tahiti, nous avons ravitaillé rapidement à Taiohae et sommes partis pour cet atoll de Fakarava.